Une clause de non-garantie de l'état du bien dispense-t-elle les vendeurs de garantir l'acquéreur contre l'existence de servitudes non apparentes ?

(Cour de Cassation, 3ème civ. 13 février 2025 - Pourvoi n°23-17.636 - Publié au bulletin)
En résumé :
Dans un arrêt récent, la Cour de cassation a rappelé avec fermeté qu'à défaut de clause expresse contraire, le vendeur est tenu de la garantie des servitudes non apparentes non déclarées lors de la vente.
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Pour aller plus loin :
Dans cette affaire, l’acheteur avait découvert, postérieurement à la vente, l’existence d’un système souterrain d’évacuation des eaux usées. Le réseau constituant une servitude non apparente, l’acquéreur a sollicité la résolution de la vente ainsi que des dommages-intérêts.
La cour d’appel avait initialement rejeté cette demande, estimant que la clause de l’acte de vente stipulant que le bien était pris « en l’état » suffisait à exonérer le vendeur.
La Cour de cassation a censuré cette analyse, jugeant qu’une telle clause générale ne pouvait valoir renonciation à la garantie d’éviction que si elle visait explicitement les servitudes non apparentes.
En l’absence de cette précision, l’acheteur peut valablement agir sur le fondement de l’article 1638 du Code civil, lequel prévoit que si une servitude non apparente, non déclarée au moment de la vente, affecte le bien, l’acheteur peut, au titre de la garantie d’éviction :
- Demander la résolution de la vente, si la gravité de la servitude est telle qu’il est plausible qu’il n’aurait pas acquis le bien en ayant connaissance de son existence ;
- Réclamer une indemnité, s’il décide de conserver le bien tout en étant indemnisé du préjudice subi.
L’occasion de rappeler également que les “servitudes non apparente” et les “vices cachés” obéissent à deux régimes distincts :
- Les servitudes non apparentes relèvent du régime de la garantie d’éviction partielle. Il s’agit de droits réels exercés par des tiers sur l’immeuble, invisibles lors de l’acquisition et non signalés.
- Les vices cachés, eux, concernent des défauts intrinsèques du bien, le rendant impropre à sa destination. Ils sont régis par l’article 1641 du Code civil.
Le vendeur est ainsi juridiquement tenu d’informer l’acheteur de toute servitude non apparente grevant le bien, à moins que la clause exonératoire ne vise très expressément de telles servitudes occultes.
À défaut, sa responsabilité contractuelle peut être engagée, même s’il ignorait l’existence de la servitude au moment de la vente. À fortiori, elle peut l’être s’il a sciemment dissimulé l’existence d’une telle servitude.
La responsabilité du notaire peut également être engagée, au titre du manquement à son devoir de diligence et de conseil.
L’action fondée sur l’article 1638 est soumise à un délai de prescription de cinq ans, qui court à compter de la découverte effective de la servitude par l’acquéreur.
En conclusion, la jurisprudence de février 2025 renforce la nécessité d’une rédaction contractuelle rigoureuse, en particulier lorsqu’il s’agit de clauses susceptibles de limiter les garanties légales. L’omission d’une servitude non apparente expose le vendeur, mais aussi le notaire, à des responsabilités importantes. Pour sécuriser la transaction, la transparence et l’exactitude des informations transmises à l’acheteur sont indispensables.