Le locataire d’une fraction de local commercial peut-il invoquer le droit de préférence en cas de vente de l’immeuble ne comportant qu’un seul local commercial ?

(Cour de Cassation - 3ème civ. -  19 juin 2025 - Pourvoi n°23-17.604 et Pourvoi n°23-19.292)

 

En résumé :

Par deux arrêts du 19 juin 2025, la 3ème chambre civile de la Cour de Cassation a été amenée à préciser le périmètre de ces exceptions au droit de préférence d’un locataire d’un local à usage commercial ou artisanal, prévues à l’article L145-46-1 du code de commerce.

La Cour a ainsi rappelé que l’exception au droit de préférence, prévue pour la catégorie générique des locaux commerciaux, s'applique également en cas de cession d'un immeuble comprenant un seul local commercial et qu’il en résulte que le locataire à bail commercial ne bénéficie pas d'un droit de préférence lorsque le local pris à bail ne constitue qu'une partie de l'immeuble vendu, même si celui-ci ne comprend qu'un seul local commercial.

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Pour aller plus loin :

Le droit de préférence dont bénéficie le locataire d’un local à usage commercial ou artisanal en vertu de l’article L145-46-1 du code de commerce représente une garantie de sécurité et pérennité pour l’activité du Preneur, mais une atteinte au droit de propriété du Bailleur.

Pour tenir compte de ces intérêts parfois contradictoires plusieurs exceptions au droit de préférence ont été ajoutées par le législateur :

“ Le présent article n'est pas applicable en cas: 

  • de cession unique de plusieurs locaux d'un ensemble commercial 
  • de cession unique de locaux commerciaux distincts 
  • ou de cession d'un local commercial au copropriétaire d'un ensemble commercial. 

Il n'est pas non plus applicable : 

  • à la cession globale d'un immeuble comprenant des locaux commerciaux 
  • ou à la cession d'un local au conjoint du bailleur, ou à un ascendant ou un descendant du bailleur ou de son conjoint. (...)

Dans la première affaire (l’arrêt n°23-17.604), le Preneur avait tenté de faire annuler une vente consentie par le Bailleur à un tiers en violation de son droit de préférence, au motif que l’article L145-46-1 du code de commerce ne prévoyait pas, au titre des exceptions, l’hypothèse de “la cession globale d'un ensemble immobilier comprenant un unique local à usage commercial donné à bail.” 

Il lui a été opposé que, quand bien même l’immeuble ne comportait qu’un unique local commercial, le locataire n’en louait, en l’espèce, qu’une fraction.

La Cour de cassation a ainsi rappelé qu'en l'absence de disposition légale expresse, ce texte ne confère pas au locataire commercial un droit d'acquérir en priorité au-delà de l'assiette du bail qui lui a été consenti.

La circonstance que le locataire était disposé à acquérir l’ensemble du local, et pas seulement la fraction donnée à bail, de sorte que l’atteinte au droit de propriété du Bailleur n’était pas caractérisée, a été jugée inopérante. 

Dans la seconde affaire (pourvoi n°23-19.292) les faits de l’espèce étaient légèrement différents, mais la conclusion reste la même : l’exception au droit de préférence, prévue pour la catégorie générique des locaux commerciaux, s'applique en cas de cession d'un immeuble comprenant un seul local commercial.

Il en résulte que le locataire à bail commercial ne bénéficie pas d'un droit de préférence lorsque le local pris à bail ne constitue qu'une partie de l'immeuble vendu, même si celui-ci ne comprend qu'un seul local commercial.