Une demande de pièce illégale impacte-t-elle le délai d'instruction d'une demande de permis ?
En résumé :
Dans sa décision en date du 9 décembre 2022, à paraître au recueil Lebon, le Conseil d'Etat juge que les demandes des services instructeurs de pièces non prévues en application du code de l'urbanisme n'ont pas pour effet d'interrompre ou de modifier le délai d'instruction de la demande en cours.
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Pour aller plus loin :
Le 27 juillet 2020, la société TDF dépose un dossier de déclaration préalable en vue de l’implantation d’une antenne-relais de téléphonie mobile sur le territoire de la commune de Saint-Herblain (Loire-Atlantique). Dans le délai de 30 jours imparti au service instructeur pour demander des pièces complémentaires, il est demandé au pétitionnaire, par un courrier en date du 11 août 2020 de compléter son dossier en précisant sur le plan de masse des constructions à édifier une simulation de l’exposition aux ondes émises par l’installation projetée. La société TDF communique la pièce le 5 novembre 2020. Le maire de la commune s’oppose à la réalisation des travaux par un arrêté en date du 1er décembre 2020, motif pris que le projet porte atteinte à son environnement proche.
La société TDF saisit le juge des référés d'une demande, notamment, de suspension de l’exécution de la décision du maire au motif que la demande de pièce, non prévue au code de l'urbanisme, n’avait pas eu pour effet de prolonger le délai d’instruction et qu'en conséquence elle était bénéficiaire d’une décision de non opposition implicite.
Faisant droit à la demande de TDF par une ordonnance en date du 28 juin 2021, le juge de première instance enjoint la commune de délivrer à la société l’attestation de non-opposition à la déclaration préalable.
Sur pourvoi de la commune de Saint-Herblain, le Conseil d’Etat est saisi de la question de savoir si une demande de pièce complémentaire non prévue par le code de l’urbanisme a eu pour effet de prolonger le délai d’instruction et ainsi, de faire obstacle à la décision implicite de non-opposition.
Suivant les conclusions de son rapporteur public, Philippe RANQUET, le Conseil d’Etat juge qu’une demande illégale de pièce tendant à compléter le dossier d'instruction n'interrompt ni ne modifie le délai d’instruction de l’autorisation d’urbanisme :
« à l’expiration du délai d’instruction tel qu'il résulte de l'application des dispositions [...] du code de l'urbanisme relatives à l'instruction des déclarations préalables, des demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir, naît une décision de non-opposition à déclaration préalable ou un permis tacite. En application de ces dispositions, le délai d’instruction n’est ni interrompu, ni modifié par une demande, illégale, tendant à compléter le dossier par une pièce qui n’est pas exigée en application du livre IV de la partie réglementaire du code de l’urbanisme. Dans ce cas, une décision de non-opposition à déclaration préalable ou un permis tacite naît à l’expiration du délai d’instruction, sans qu’une telle demande puisse y faire obstacle. »
En conséquence, dans cette affaire, la décision d’opposition prise par la commune à la demande déposée par TDF devait s’analyser comme le retrait d’une décision créatrice de droit qui aurait dû imposer le respect d'une procédure contradictoire préalable et dont le retrait était illégal.
Comme le souligne le rapporteur dans ses conclusions, cette décision met fin à une pratique de services instructeurs qui consistait à exiger des pétitionnaires des pièces complémentaires non prévues par le code de l’urbanisme afin de moduler le délai d’instruction des demandes et éviter l'octroi d'autorisation d'urbanisme implicite qu'ils ne souhaitaient pas se voir délivrer.