Une compatibilité obligatoire entre travaux et orientations d’aménagement et de programmation ?
(30 décembre 2021, Conseil d’Etat, Commune de Lavérune et autre, n°446763)
En résumé :
Au regard de l’article L.123-5 du Code de l’urbanisme, les travaux et opérations ne doivent pas être incompatibles avec les orientations d’aménagement et de programmation du plan local d’urbanisme.
Par ailleurs, le juge de cassation admet qu’il effectue un contrôle de la qualification juridique des faits.
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Pour aller plus loin :
Par une délibération du 26 octobre 2011, le conseil municipal de Lavérune a approuvé le dossier de réalisation de la zone d’aménagement concerté du Pouget. Le plan local d’urbanisme de la commune de Lavérune a par ailleurs défini dans cette zone une orientation d’aménagement et de programmation. Parmi les grands principes de composition de cette zone figure la réalisation d’”équipements publics (notamment EHPAD)”.
Par un arrêté du 14 juin 2019, le maire de Lavérune a accordé à la société Kalithys un permis de construire une résidence intergénérationnelle, pour jeunes adultes et personnes âgées comprenant 99 logements ainsi qu’un parking souterrain dans la zone d’aménagement concerté.
Le 5 août 2019, le recours gracieux engagé par les voisins de ce projet est rejeté. Par deux requêtes distinctes, lesdits voisins demandent l’annulation pour excès de pouvoir du permis ainsi que de la décision rejetant leur recours gracieux.
Par un jugement du 23 septembre 2020, le Tribunal administratif de Montpellier fait droit à leur demande en annulant l’arrêté du 14 juin 2019 et les décisions rejetant les recours gracieux au motif que les projets étaient incompatibles avec l'OAP.
Par deux pourvois distincts, la commune de Lavérune et la société Kalithys demandent l’annulation du jugement en application de l’article R811-1-1 du Code de justice administrative.
Par une décision du 30 décembre 2021, le Conseil d’Etat au visa des articles L.123-1, L.123-1-4 et L123-5 du Code de l’urbanisme rappelle que les orientations d’aménagement et de programmation définissent, en matière d’habitat, les objectifs et les principes d’une politique visant à répondre aux besoins en logements et en hébergements. Le Conseil d'Etat réitère la nécessaire compatibilité des autorisations d'urbanisme avec les orientations d'aménagement, la haute juridiction exerçant un contrôle de la qualification juridique des faits:
“3. Il résulte de ces dispositions qu’une autorisation d’urbanisme ne peut être légalement délivrée si les travaux qu’elle prévoit sont incompatibles avec les orientations d’aménagement et de programmation d’un plan local d’urbanisme et, en particulier, en contrarient les objectifs. Il y a lieu de tenir compte, lorsque l’orientation d’aménagement et de programmation porte sur une zone d’aménagement concerté, de la localisation, prévue dans les documents graphiques, des principaux ouvrages publics, des installations d'intérêt général et des espaces verts. Dans l’hypothèse où l’orientation d’aménagement et de programmation prévoit, comme élément de programmation d’une zone d’aménagement concerté, la localisation d’un équipement public précis, la compatibilité de l’autorisation d’urbanisme portant sur cet équipement doit s’apprécier au regard des caractéristiques concrètes du projet et du degré de précision de l’orientation d’aménagement et de programmation, sans que les dispositions du code de l’urbanisme relatives aux destinations des constructions, qui sont sans objet dans l’appréciation à porter sur ce point, aient à être prises en compte”.
Au cas présent, suivant les conclusions du rapporteur public Vincent Villette, le Conseil d'Etat annule les deux jugements et renvoie l'affaire devant le tribunal administratif de Montpellier au motif que le tribunal administratif a commis une erreur de droit en jugeant le projet litigieux incompatible avec les orientations de l'OAP (cons. 5) et a inexactement qualifié les faits soumis (cons.6).