Quelle(s) destination(s), au titre du droit de l’urbanisme, pour les “dark stores” ?

(Conseil d’Etat 23 mars 2023, n° 468360)

 

En résumé :

 

Le Conseil d'Etat a rendu une décision le 23 mars 2023, déjà largement commentée, au terme de laquelle les "dark stores", à savoir ces magasins de vente au détail non ouverts au public et utilisés pour la préparation et la livraison de commandes en ligne, sont des entrepôts au sens du code de l'urbanisme et du plan local d'urbanisme de la ville de Paris. Cette décision est l’occasion de clarifier la destination des « dark stores »

 

________________________________________________________________________________

 

 

Pour aller plus loin :

 

Dans cette affaire, les sociétés Frichti et Gorillas Technologies France ont loué des locaux en vue de développer leur activité de dark stores. Les locaux ainsi occupés étaient originellement à destination de commerce au sens du plan local d'urbanisme de la ville de Paris. La ville a donc adressé à ces sociétés des courriers de mise en demeure au motif qu’ils auraient changé la destination desdits locaux sans avoir sollicité, au préalable, d’autorisation de changement de destination auprès des services instructeurs. La ville demande ainsi aux sociétés de restituer aux locaux leurs destinations d’origine, et ce dans un délai de trois mois, sous astreinte de 200 euros par jour de retard.

 

Les sociétés saisissent le tribunal administratif de Paris en référé afin de faire suspendre les effets de ces décisions administratives. Par une ordonnance en date du 5 octobre 2022, le Tribunal administratif de Paris suspend les décisions de la ville de Paris au motif que les “dark stores” sont des “services CINASPIC: Constructions et Installations Nécessaires Aux Services Publics ou d’Intérêt Collectif “, autorisés par le PLU de Paris.

 

La ville de Paris se pourvoit en cassation.

 

Le Conseil d’Etat infirme la décision du Tribunal administratif et confirme la légalité des mises en demeure adressées sur le fondement de l’article L. 481-1 du code de l’urbanisme. Il juge qu’un changement de destination était nécessaire en application de l’article R. 421-7 du code de l’urbanisme, dès lors que les “dark stores” sont bien des entrepôts au sens du PLU de la ville de Paris, étant rappelé que la ville de Paris se réfère encore dans son PLU aux anciennes dispositions de l’article R.123-9 du code de l’urbanisme.

 

Appréciant concrètement les modalités d'occupation des locaux par les sociétés Frichti et Gorillas, le Conseil d’Etat considère que leur activité ne correspond pas à une logique de logistique urbaine au sens du plan local d'urbanisme de Paris, activité qui pourrait les faire entrer dans la catégorie des " constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif ". Au contraire, leur activité a pour objet de « permettre l'entreposage et le reconditionnement de produits non destinés à la vente aux particuliers dans ces locaux,  ce qui correspond à une activité relevant de la destination " Entrepôt ", telle que définie par le même plan local d'urbanisme ».

 

En conséquence, le Conseil d’Etat annule l’ordonnance du Tribunal administratif de Paris et rejette les demandes de suspension des mises en demeures, déposées par les deux sociétés, étant rappelé que la régularisation de leur situation est impossible puisque la transformation en entrepôt de locaux existants en rez-de-chaussée est interdite en application de l’article UG 2.2.2 du PLU de Paris.

 

On précisera que par le décret en date du 22 mars 2023 n° 2023-195, portant diverses mesures relatives aux destinations et sous-destinations des constructions pouvant être réglementées par les plans locaux d’urbanisme ou les documents en tenant lieu, et un arrêté de la même date une sous-destination « cuisine dédiée à la vente en ligne » a été créée au sein de la destination « autres activités des secteurs primaire, secondaire et tertiaire » (article R.151-28 du code de l’urbanisme). 

 

Les "dark stores" peuvent aujourd’hui relever de deux sous-destinations selon que l’activité exercée porte, avant livraison, sur du stockage de marchandises ou sur la préparation de plats (dark stores ou dark kitchen). Ils sont à classer soit dans la sous destination « entrepôt » soit dans la sous-destination « cuisine dédiée à la vente en ligne ». Il est en revanche certain aujourd’hui que les dark stores ne relèvent pas de la destination « commerce et activité de service ».

 

Les dispositions du décret n°2023-195 du 22 mars 2023 entrent en vigueur le lendemain de sa publication, à l'exception des dispositions modifiant la liste des destinations et sous-destinations des constructions qui entrent en vigueur le 1er juillet 2023.

 

Vous avez une question sur ce sujet ou besoin d'accompagnement juridique sur vos projets immobiliers ? Contactez-nous.