Le refus d’application de la prescription décennale aux constructions sans permis est-il inconstitutionnel ?

(CE, 12 septembre 2018, n°419092)

 

A l’occasion d’un recours contre une autorisation d’urbanisme, le Conseil d’Etat a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité au sujet du e) de l’article L.111-12 du code de l’urbanisme dans sa version en vigueur à la date des faits (article L.421-9 nouveau) lequel disposait que :

 

Lorsqu’une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de construire ou de déclaration de travaux ne peut être fondé sur l’irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l’urbanisme. Les dispositions du premier alinéa ne sont pas applicables : (...) / e) Lorsque la construction a été réalisée sans permis de construire ; / (...)

 

Si l'article évoque les hypothèses de prescription décennale en cas de réalisation de travaux irréguliers, aucune prescription n’est possible lorsque les travaux irréguliers auraient dû faire l'objet d'un permis de construire.

 

Le requérant a soutenu l'inconstitutionnalité du e) de l’article L.111-12 au motif qu’il porterait une atteinte disproportionnée au droit de propriété. En effet, en refusant l’application de cette prescription en présence de travaux réalisés sans permis, cette disposition : 

 

  • empêche tout propriétaire d’apporter des modifications à sa construction ;  
  • est trop sévère puisqu'en cas de travaux réalisés sans déclaration préalable, la prescription s'applique. 

 

Le Conseil d’Etat rappelle que cette question n’est pas nouvelle, et considère qu'elle ne présente pas de caractère sérieux dès lors que l'article L.111-12 : 

 

  • est justifié par l’intérêt général “qui s’attache à la maîtrise de l’occupation des sols et du développement urbain” ;  
  • prévoit une prescription décennale selon laquelle “une demande d’autorisation d’urbanisme tendant à la modification d’une construction existante ne peut être rejetée au seul motif que cette construction aurait fait l’objet de travaux réalisés irrégulièrement, si ces travaux sont achevés depuis plus de dix ans” ;  
  • prévoit une inapplicabilité de la prescription proportionnée à l’objectif précité dès lors que cette prescription décennale est écartée pour les “irrégularités les plus graves, à savoir “celles qui concernent des travaux réalisés sans permis de construire”.  

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