Le maire est-il toujours obligé d’interrompre des travaux en infraction au droit de l'urbanisme ?

Dans quels cas le maire est-il obligé d’interrompre des travaux après avoir constaté une infraction au droit de l’urbanisme ? 

 

En résumé : 

 

Le récent arrêt du Conseil d'Etat du 23 septembre 2019 (n° 424270) est l'occasion de rappeler les cas dans lesquels le maire doit d’interrompre des travaux après avoir constaté une infraction au droit de l’urbanisme :

 

- le maire est tenu d'interrompre les travaux dans l'hypothèse où ces derniers n’ont été autorisés par aucune autorisation d’urbanisme ;

 

- en revanche, il dispose d'une marge d'appréciation lorsqu'il s'agit de prendre un arrêté interruptif pour des travaux exécutés conformément aux autorisations d'urbanisme - en vigueur-  même s'il estime que les travaux en cause méconnaissent les règles d'urbanisme et notamment le plan local d'urbanisme.

 

Dans cette dernière hypothèse, le refus du maire de prendre un arrêté interruptif ne constitue pas une situation d'urgence - au sens de l'article L.521-1 du code de justice administrative1 -  autorisant le juge administratif à suspendre les effets de la décision de refus du maire d'ordonner l'interruption des travaux.  

 

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Pour aller plus loin : 

 

Dans cette affaire, un permis de construire, valant permis de démolir une habitation existante, a été accordé par la mairie de Vineuil-Saint-Firmin pour la construction d’une maison individuelle par un arrêté du 11 septembre 2017. 

 

Un voisin mécontent soutenait que le mur du garage en construction n’était pas accolé au mur séparant son fond de celui du pétitionnaire, en totale contrariété tant avec le permis délivré qu’avec l’article UB 7 du plan local d’urbanisme de la commune. Selon les dispositions de cet article, il était prévu que le long des limites séparatives, la marge d’isolement d’une construction qui ne serait pas édifiée sur ces limites, doit être au moins égale à la moitié de la hauteur mesurée à l’égout du toit sans jamais être inférieure à 3 mètres. 

 

Par plusieurs courriers de ce voisin, il était demandé au maire de la ville de dresser un procès-verbal d’infraction sur le fondement de l’article L. 480-1 du code de l’urbanisme. 

 

Le maire ayant rejeté ses demandes, le voisin déposait un recours devant le tribunal administratif d’Amiens aux fins de faire suspendre, en application de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, les décisions implicites de rejet prises à son encontre et que soit enjoint au maire de dresser le procès-verbal réclamé. 

 

Par une ordonnance du 30 août 2018 (n° 1802490), le tribunal administratif d’Amiens a refusé de faire droit aux demandes du requérant, considérant que la condition d’urgence n’était pas remplie en l’espèce. 

 

Sur pourvoi du requérant, le Conseil d'Etat rejette le pourvoi au motif que la condition d'urgence n'est pas remplie. Ainsi : 

 

- il n'existe aucune présomption d'urgence en cas de refus du maire de mettre en oeuvre ses pouvoirs de police et d'ordonner l'interruption  de travaux réalisés en violation de l'autorisation d'urbanisme ;

 

- au cas d'espèce, les éléments portés à la connaissance de la juridiction (risque d'humidité) n'établissaient pas d'atteinte suffisamment grave et immédiate aux intérêts du requérants constitutive d'une situation d'urgence.

 

1 L'article dispose que: "Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision." Pour que le juge administratif prononce la suspension d'une décision administrative le requérant doit démontrer à la fois l'urgence de la situation et l'existence d'un doute quant à la légalité de la décision. en matière d'urbanisme, il y a généralement une présomption d'urgence compte tenu de l'irréversibilité des travaux.

 

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