La réhabilitation d’une construction régulièrement édifiée mais abandonnée implique-t-elle nécessairement un changement de destination ?
(Conseil d’Etat 28 décembre 2018, n°408743)
Le propriétaire d’une ancienne bergerie, régulièrement édifiée au XIX° siècle, sans autorisation d’urbanisme1, sollicite un permis de construire pour la réhabiliter à des fins d’habitation. Sa demande est refusée au motif, notamment, que les travaux projetés ne sont pas autorisés par le PLU.
Le pétitionnaire conteste ce refus devant le Tribunal administratif de Toulon lequel, par jugement du 15 octobre 2014, rejette sa demande. Sur appel du pétitionnaire, la Cour administrative d’appel de Marseille (n°16MA04914) confirme le jugement de première instance le 6 janvier 2017 suivant ce raisonnement :
- la bergerie, bien que dépourvue de toit et abandonnée, n’est pas une ruine mais une construction ; les travaux projetés sont donc des travaux portant sur une construction existante ;
- initialement utilisée à titre principal comme bergerie, la construction doit être considérée comme étant à destination agricole ;
- ce projet ne peut être autorisé dès lors que les dispositions du POS2 ne permettent - s'agissant de travaux sur constructions agricoles existantes - que les constructions nouvelles à caractère précaire et démontable.
Sur pourvoi du pétitionnaire, le Conseil d’Etat censure cette décision. S’il considère que la Cour administrative d’appel a souverainement jugé que l’ancienne bergerie était une construction et n’était pas à l’état de ruine en dépit de son abandon pendant plusieurs décennies, elle a néanmoins commis une erreur de droit en considérant que la construction litigieuse était à usage agricole dès lors qu’elle était initialement utilisée comme bergerie :
“Si l'usage d'une construction résulte en principe de la destination figurant à son permis de construire, lorsqu'une construction, en raison de son ancienneté, a été édifiée sans permis de construire et que son usage initial a depuis longtemps cessé en raison de son abandon, l'administration, saisie d'une demande d'autorisation de construire, ne peut légalement fonder sa décision sur l'usage initial de la construction ; il lui incombe d'examiner si, compte tenu de l'usage qu'impliquent les travaux pour lesquels une autorisation est demandée, celle-ci peut être légalement accordée sur le fondement des règles d'urbanisme applicables”.
Le Conseil d’Etat vient préciser sa jurisprudence relative à la destination d’un bâtiment : en présence d’un bâtiment ancien dont l’usage a été abandonné, les services instructeurs doivent instruire la demande d’autorisation d’urbanisme au regard de la réglementation applicable à la destination projetée.
Il convient de noter qu’en l’espèce, le Conseil d’Etat ne contrôle pas que les “caractéristiques propres du bâtiment” sont de nature à permettre la destination projetée - lecture plus favorable au pétitionnaire3.
1 Il n'existait pas de réglementation en matière d'autorisation d'urbanisme à l'époque.
2 A la suite de l’annulation du PLU, le POS a été remis en remis en vigueur et la Commune a démontré que les travaux envisagés n’étaient pas autorisés par les dispositions du POS remises en vigueur.
3 Cf. CE 9 décembre 2011, n°335707.