L’annulation d’un permis pour insuffisance d'étude d'impact peut-elle fonder l'action en démolition ?
En résumé :
Par un arrêt en date du 11 janvier 2023, la Cour de cassation juge que toute méconnaissance des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique peut servir de fondement à une action en démolition d’une construction édifiée conformément à un permis de construire ultérieurement annulé, dès lors que le demandeur à l’action démontre avoir subi un préjudice personnel en lien de causalité directe avec cette violation.
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Pour aller plus loin :
Par un arrêté en date du 24 avril 2013, le préfet de l’Hérault délivre à la société Energie renouvelable du Languedoc (société ERL) un permis de construire pour édifier sept aérogénérateurs et un poste de distribution.
La société ERL dépose sa déclaration d’ouverture du chantier le 10 juillet 2015, sa déclaration d’achèvement des travaux et de conformité avec le permis de construire le 26 février 2016. Le 19 juillet 2016, le préfet de l’Hérault délivre à la société ERL un certificat de conformité.
Après l’annulation de l’arrêté du préfet accordant le permis de construire en raison de l'insuffisance de l’étude d’impact1, l’association Vigilance paysager et naturel (VPPN) et l’Association pour la protection des paysages et ressources de l’Escandorgue et du Lovèdois (APPREL) assignent la société ERL en démolition du parc éolien construit et demandent des dommages-intérêts. L’association Société pour la protection des paysages et de l’esthétique en France (SPPEF) est intervenue volontairement à l’instance.
Par une décision en date du 3 juin 2021, la cour d’appel de Montpellier rejette leur demande. Ces trois associations se pourvoient en cassation. Dans son arrêt, la Cour de cassation rappelle que :
- lorsqu'une construction a été édifiée conformément à un permis de construire, le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative (article L. 480-13 du Code de l’urbanisme) ;
- tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer (article 1240 du Code civil) ;
- la condamnation à démolir une construction édifiée en méconnaissance d’une règle d’urbanisme ou d’une servitude d’utilité publique et dont le permis de construire a été annulé est subordonnée à la seule localisation géographique de la construction à l’intérieur de l’une des zones visées, sans qu’il soit nécessaire que la construction ait été édifiée en violation du régime particulier de protection propre à cette zone (article L. 480-13 du Code de l’urbanisme).
Il résulte de tout ce qui précède que toute méconnaissance des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique peut servir de fondement à une action en démolition d’une construction édifiée conformément à un permis de construire ultérieurement annulé, dès lors que le demandeur à l’action démontre avoir subi un préjudice personnel en lien de causalité directe avec cette violation.
En l’espèce, le 3 juin 2021 la cour d’appel de Montpellier s’était fondée sur le fait que le permis de construire a été annulé en raison d’une étude d’impact insuffisante (présence d’un couple d’aigles royaux dans le massif). La Cour d’appel de Montpellier, estimant que le parc éolien n’avait pas été édifié en méconnaissance d’une règle d’urbanisme ou d’une servitude d’utilité publique, a estimé qu’il n’y avait pas lieu à une démolition. La Cour de cassation casse et annule partiellement l’arrêt de la cour d’appel de Montpellier en date du 3 juin 2021 et renvoie l’affaire devant la cour d’appel de Nîmes.
1 Arrêt de la cour administrative d'appel de Montpellier en date du 26 janvier 2017 (n° 15MA00975), confirmé par le Conseil d’Etat le 8 novembre 2017 (n° 409238)