Indivisaire : pouvez-vous initier seul une action en bornage ?

L’action en bornage est un acte d’administration et de disposition au sens de l’article 815-3 du code civil (Cass., 3ème civ., 12 avril 2018, n°16-24.556, FS-P+B+I)

 

Afin de fixer la limite entre leurs deux fonds, plusieurs propriétaires indivis assignent en bornage leur voisin.

 

Cette demande est déclarée irrecevable par la Cour d’appel de Fort-de-France, dès lors qu’il s’agit d’un acte d’administration et de disposition qui nécessitait, préalablement à l'introduction de l'action, le consentement des deux tiers des indivisaires en application de l’article 815-3 du code civil1.

 

Cette décision est confirmée par la Cour de Cassation qui rejette l'argument du pourvoi selon lequel cette procédure tend à assurer la préservation des limites du fonds et constitue donc à ce titre une mesure nécessaire à la conservation du bien indivis qui peut être introduite par tout indivisaire conformément à l’article 815-2 du code civil2. La Cour de Cassation juge que :

 

Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que les consorts Y... n'étaient pas les seuls propriétaires indivis de la parcelle [...] et ne justifiaient pas du consentement d'indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis, la cour d'appel a retenu à bon droit que leur action entrait dans la catégorie des actes prévus à l'article 815-3 du code civil et en a exactement déduit qu'elle était irrecevable”.

 

La haute juridiction vient ainsi confirmer sa jurisprudence antérieure aux termes de laquelle l’action en bornage entre dans la catégorie des actes d’administration et de disposition prévus à l'article 815-3 du code civil. Sa mise en œuvre nécessite donc forcément l’accord des indivisaires à hauteur des deux tiers des droits indivis.

 

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1 Pour rappel, l’article 815-3 du code civil dispose que :

 

Le ou les indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis peuvent, à cette majorité :

 

1° Effectuer les actes d'administration relatifs aux biens indivis ;

 

2° Donner à l'un ou plusieurs des indivisaires ou à un tiers un mandat général d'administration ;

 

3° Vendre les meubles indivis pour payer les dettes et charges de l'indivision ;

 

4° Conclure et renouveler les baux autres que ceux portant sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal.

 

Ils sont tenus d'en informer les autres indivisaires. A défaut, les décisions prises sont inopposables à ces derniers.

 

Toutefois, le consentement de tous les indivisaires est requis pour effectuer tout acte qui ne ressortit pas à l'exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition autre que ceux visés au 3°.

 

Si un indivisaire prend en main la gestion des biens indivis, au su des autres et néanmoins sans opposition de leur part, il est censé avoir reçu un mandat tacite, couvrant les actes d'administration mais non les actes de disposition ni la conclusion ou le renouvellement des baux.

 

2 Pour rappel, l’article 815-2 du code civil dispose que : “Tout indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis même si elles ne présentent pas un caractère d'urgence. Il peut employer à cet effet les fonds de l'indivision détenus par lui et il est réputé en avoir la libre disposition à l'égard des tiers. A défaut de fonds de l'indivision, il peut obliger ses co-indivisaires à faire avec lui les dépenses nécessaires. Lorsque des biens indivis sont grevés d'un usufruit, ces pouvoirs sont opposables à l'usufruitier dans la mesure où celui-ci est tenu des réparations.