Comment purger l'illégalité d'un permis de construire en cas d'évolution des circonstances de fait ?
En résumé :
Dans sa décision en date du 10 octobre 2022, le Conseil d’Etat vient étendre le champ du permis de construire modificatif dans sa fonction régularisatrice en admettant qu'un permis de construire modificatif puisse purger, du fait de l'évolution des circonstances de fait, l'illégalité entachant un permis de construire initial.
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Pour aller plus loin :
Par un arrêté en date du 29 août 2011, le maire d’Etaples-sur-mer a délivré à la société Adevia un permis d’aménager pour le premier secteur du projet de création du parc d’activités économiques. Par un second arrêté en date du 2 juillet 2018, ce même maire a délivré à la société anonyme d’économie mixte Territoires Soixante Deux, venue aux droits de la société Adevia, un permis d’aménager modificatif.
Le groupement de défense de l’environnement de l’arrondissement de Montreuil-sur-mer et du Pas-de-Calais a demandé au tribunal administratif de Lille d’annuler pour excès de pouvoir, notamment, les deux arrêtés.
Sans rentrer dans l'historique de la procédure, il importe de retenir que par un jugement en date du 12 juillet 2019, le tribunal administratif de Lille a annulé les deux arrêtés au motif que les dispositions du I de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme ont été méconnues.
La société Territoires Soixante Deux, bénéficiaire des autorisations annulées, a interjeté appel contre ledit jugement. La Cour administrative d’appel de Douai le 9 février 2021 considère que l'appréciation du caractère urbanisé de la zone, en litige dans cette affaire, doit s'apprécier à la date d'adoption de l'acte administratif sans qu'il faille tenir compte de l'évolution des circonstances de fait :
"le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du I de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme est inopérant à l’encontre de l’arrêté du 2 juillet 2018 et doit être apprécié, à l’encontre de l’arrêté du 29 août 2011, au regard des circonstances de fait et de droit qui prévalaient à cette dernière date"
La société Territoires Soixante Deux se pourvoit alors en cassation devant Conseil d'Etat et ce dernier casse l'arrêt d'appel au motif qu'un permis de construire modificatif peut, au contraire, purger une illégalité originelle du permis initial, du fait de l'évolution des circonstances de fait :
"Il résulte de ce qui vient d’être dit que la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit en jugeant que la méconnaissance par le projet des dispositions du I de l’article L. 1464 du code de l’urbanisme ne devait s’apprécier qu’au regard des circonstances prévalant à la date du permis d’aménager initial accordé le 29 août 2011, sans qu’ait d’incidence la délivrance d’un permis modificatif par l’arrêté du 2 juillet 2018."
Par l’arrêt commenté ici, le Conseil d’Etat vient préciser sa jurisprudence sur le permis de construire modificatif en élargissant sa capacité régularisatrice. Il est dorénavant possible que ce dernier puisse permettre de purger une illégalité entachant le permis initial à raison de l’évolution des circonstances de fait :
“Lorsqu’une autorisation d’urbanisme a été délivrée en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l’utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance de l’autorisation, l’illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d’une autorisation modificative dès lors que celle-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédée de l’exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Elle peut, de même, être régularisée par une autorisation modificative si la règle relative à l’utilisation du sol qui était méconnue par l’autorisation initiale a été entretemps modifiée ou si cette règle ne peut plus être regardée comme méconnue par l'effet d’un changement dans les circonstances de fait de l’espèce. Les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l'appui d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'autorisation initiale."
1 Le 15 octobre 2003, la communauté de communes Mer et Terres d’Opale a conclu une convention publique d’aménagement avec la société Adevia pour la création d’un parc d’activités dénommé Opalopolis sur le territoire de la commune d’Etaples-sur-Mer.