À quelle majorité une activité de restauration peut-elle être interdite en copropriété ?

 

(Cour d’appel de Bordeaux, 2e chambre civile, 2 février 2023, n°19/03465)

 

En résumé :

 

Dans sa décision du 2 février 2023, la Cour d’appel de Bordeaux rappelle que l’interdiction d’une activité de restauration dans un immeuble qui prévoit que les locaux peuvent être à destination commerciale revient à modifier l’usage des parties privatives de l’immeuble et doit être approuvée à l'unanimité.

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Pour aller plus loin :

 

Dans cette affaire, la SCI Destinée est propriétaire d’un local commercial situé au rez-de-chaussée d'un immeuble.La SCI donne à bail, suivant un bail commercial, le local à la société G&J en vue de l'exploitation d'un bar-pub.

 

Se plaignant de nuisances olfactives et sonores, engendrées par ladite activité, le syndic bénévole, à la demande des copropriétaires, convoque une assemblée générale le 25 juin 2015. A l'occasion de cette assemblée, les copropriétaires décident d'interdire l'exploitation d'une activité de restauration dans l'immeuble (résolution 5-2) malgré l'opposition de la SCI Destinée.

 

Cette dernière assigne le 25 août 2015 devant le tribunal de grande instance de Bordeaux le syndicat des copropriétaires afin d'obtenir l'annulation de la résolution n° 5-2.

 

Par un jugement en date du 14 février 2019, le tribunal de grande instance de Bordeaux déclare la SCI Destinée recevable en ses demandes et annule la résolution n° 5-2.

 

Le syndicat des copropriétaires interjette appel du jugement le 20 juin 2019 devant la Cour d’appel de Bordeaux. Il soutient que l’annulation de la résolution litigieuse au visa de l’article 26 alinéa 2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 surlacopropriétédesimmeublesbâtis - qui considère que l'usage des parties privatives ne peut être modifié qu'à l'unanimité - est mal fondée, puisque l'article 26 n'était pas applicable en l'espèce. Il soutient que la résolution n° 5-2 n'impose pas une modification de la destination des parties privatives mais qu'elle a au contraire pour fondement l'article 4 du règlement de copropriété au regard des nuisances sonores et olfactives générées par l'activité.

 

La SCI propriétaire soutient au contraire que le règlement de copropriété n'interdit aucunement l'activité de restauration puisque les lots peuvent être à destination commerciale. Dans ces conditions, toute interdiction d'exploiter un bar revient à modifier la destination privative du local et aurait dû être approuvée à l'unanimité.

 

La Cour d’appel de Bordeaux dans son arrêt du 2 février 2023 confirme, au visa des articles 8 et 9 de la loi du 10 juillet 1965, le jugement de première instance et déboute le syndicat des copropriétaires de ses demandes.

 

Elle juge que, en votant la résolution litigieuse, le syndicat des copropriétaires a modifié la destination des parties privatives de l’immeuble et “(...)arenduimpossiblel’exerciced’uneactivitéderestaurationquipourtantétaitprécédemmentexercéeconformémentàladestinationcommercialedeslocaux.”

 

Elle précise que :

 
  • “en application de l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965, une telle décision ne pouvant être prise qu’à l’unanimité, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble susvisé a violé la disposition précitée, dès lors qu’il a entériné cette décision nonobstant l’opposition de la SCI Destinée” ;

  • “ (...) l’intangibilité de la destination des parties privatives n’est pas absolue et l’autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires n’est requise que lorsque le changement de destination envisagé est de nature à porter atteinte à la destination de l’immeuble ou aux intérêts des autres copropriétaires”.

 

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