Permis de construire : l’annulation d’un refus de permis implique-t-elle automatiquement la légalité du permis futur délivré ?

(Conseil d'État 2ème - 7ème chambres réunies, 12 octobre 2018 n°412104)

 

Le Conseil d’Etat, par un arrêt du 12 octobre 2018, a précisé la portée d’un jugement définitif d'annulation d'un refus de permis de construire en cas de recours contre le permis futur délivré.

 

Précisément, une société a déposé le 8 juin 2007 une demande de permis de construire un parc éolien, lequel est refusé par le Préfet le 18 janvier 20081. Ce refus est alors contesté et annulé par le tribunal administratif de Rouen par un jugement du 4 novembre 2010, devenu depuis lors définitif2. Le Préfet accorde par un nouvel arrêté en date du 12 décembre 2011 le permis de construire sollicité.

La commune d'implantation du parc éolien conteste alors devant le tribunal administratif de Rouen la légalité dudit permis et ce dernier est annulé par jugement du 27 mai 2014. Ce jugement d'annulation est confirmé par la Cour administrative d’appel de Douai par un arrêt du 4 mai 2017.

 

Le pétitionnaire se pourvoit en cassation au motif que les juges du fond n'auraient pas respecté le principe de l’autorité de la chose jugée3, lequel principe interdit de remettre en cause un jugement en dehors des voies de recours prévues à cet effet. Autrement posé, un jugement qui n’est plus susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux est entré en force de chose jugée et ne peut plus être remis en cause.

 

Au cas présent, le pétitionnaire soutient que la Cour d'appel a méconnu ce principe dès lors que : 

 

  • elle fonde l'annulation du permis de construire sur le motif invoqué par le Préfet pour justifier de son refus de permis le 18 janvier 2008 ;  
  • or, ce motif est jugé illégal et va conduire le Tribunal administratif à annuler le refus de permis par jugement du 4 novembre 2010 ;  
  • l’autorité de la chose jugée est méconnue dès lors que ledit jugement du 4 novembre 2010 est définitif lors de la délivrance du permis de construire litigieux. 

 

Le tribunal administratif s’était en effet fondé - pour annuler le refus initial de permis de construire - sur l’absence d’impact visuel fort du projet et sur la circonstance qu'il n'est pas de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt du site. Dès lors, la Cour ne pouvait sans violer l’autorité de la chose jugée, retenir de tels motifs pour justifier l'annulation du permis de construire :

 

l'autorité de chose jugée s'attachant au dispositif de ce jugement d'annulation devenu définitif ainsi qu'aux motifs qui en sont le support nécessaire faisait obstacle à ce que, en l'absence de modification de la situation de droit ou de fait, le permis de construire sollicité soit à nouveau refusé par l'autorité administrative ou que le permis accordé soit annulé par le juge administratif, pour un motif identique à celui qui avait été censuré par le tribunal administratif”.

 

Le Conseil d'Etat censure ainsi les juges du fond qui ont commis une erreur de droit en annulant le permis de construire en se fondant sur les mêmes motifs que ceux qui avaient permis d’annuler la décision initiale de refus du Préfet alors qu'aucun changement n'a affecté la réalité de la situation de fait et ils se sont bornés à prendre en compte d'autres documents que ceux qui avaient été soumis au tribunal administratif dans l'instance portant sur le refus de permis.

 

1 Le Préfet est compétent en vertu de l'article L.422-2 du code de l'urbanisme en matière de projet d'éoliennes.

 

2 Il n'a fait l'objet d'aucune contestation.

 

3 CE 24 novembre 1974, Époux Gevrey - articles L.911-1 à L.911-10 du code de justice administrative.

 

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